Marie Passarelli
"Dés le départ, l’artiste à cherché à susciter l’expérience physique et sensible du spectateur"

Marie Passarelli, plasticienne éco-féministe, est née en 1973 à Marseille, où elle vit et travaille. Titulaire d’une maitrise d’art plastiques et de sciences de l’art à l’Université de Provence, formée à l’art thérapie, elle s’intéresse de très prés à la psychanalyse et au chamanisme auquel elle a été initiée pendant 5 ans. Elle étudie et pratique les tarots de Marseille depuis 20 ans.
Elle expose et fait des performances en France et à l’étranger depuis 1999.
Sa recherche plastique a débuté sur la question de l’éclatement de la peinture, impliquant les notions de lieu, d’espace et de temps. Dès le départ, l’artiste a cherché à susciter l’expérience physique et sensible du spectateur. Au fur et à mesure ses œuvres sont devenues volumétriques et se sont déployées dans l’espace, oscillant entre la sculpture et l’installation.
Depuis une quinzaine d’années, par le dessin, la peinture, le son, la performance et la vidéo, Marie Passarelli explore et décline cette thématique. Témoins de sa propre mythologie, ses oeuvres servent à fabuler ses récits puisés dans l’histoire des origines. L’artiste peint et dessine des mondes étranges, des sortes de dimensions parallèles dans lesquelles le spectateur peut s’y projeter mentalement, s’accaparant et transformant ainsi ce qu’il s’y passe. Tout comme dans ses performances, elle cherche à provoquer une expérience sensorielle, une approche de l’invisible, là où les dimensions se déplient. Elle répond à la société contemporaine qui pour elle semble cacher une vérité au-delà des choses. S’ouvrir au monde c’est sortir de ses certitudes immédiates, de son ignorance, c’est être libre absolument.
A travers les récits qu’elle fabrique, s’inspirant des mythologies du monde et de son expérience du chamanisme, de la psychanalyse, et des Tarots de Marseille, elle cherche à donner vie instantanément au sacré dans ses mystérieux modes de fonctionnement: le récit mythique
n’appartient ni au temps, ni au lieu; il est vrai partout, maintenant et à jamais, il incarne la voie la plus proche de l’absolue vérité qui peut être exprimée en mots et en représentations. Dans ses peintures, ses dessins et ses vidéos, un animal étrange, une figure difforme, un ruisseau, un arbre, une racine, un minéral, une partie anatomique, un squelette…se côtoient et sont autant de figures qui questionnent le vivant, aboutissant ainsi sur la notion de l’altérité. Chaque être a un rapport au monde qui lui est propre. Comment se laisser traverser et accepter le trouble, le bizarre, l’incongru, l’étrange, sans peur ni jugement? De ce fait, les oeuvres de Marie Passarelli peuvent être considérées comme une entreprise de déstabilisation des codes de la société occidentale, car au fond de sa démarche plastique, l’artiste cherche à aller bien au delà de ce que celle-ci propose. Se revendiquant comme artiste éco-féministe, pour elle, il n’y a pas d’innocence de la nature, l’humain est soumis à une dimension radicalement historique d’être au monde. Solliciter l’ouverture de cette perception permet donc au spectateur d’accéder en conscience à son propre pouvoir et de renforcer son lien à tous les règnes de la nature.
Dans son processus créatif, l’artiste improvise. Ses oeuvres de formats variables, résultent de pulsions gestuelles, retravaillées. Telle forme produite, va l’emmener à dessiner ou peindre une autre forme qui va à son tour faire penser à une autre forme, ce qui donne l’impression de transformation, de métamorphose, de mouvement perpétuel. Elle confronte les codes picturaux mélangeant l’abstraction et le figuratif. Travaillée en glacis, en dégradés et en sfumato, la peinture vient heurter des aplats, des masses colorées; des couches plus épaisses s’interpénètrent. Parfois on devine la trace du geste initial, laissant ainsi des espaces qui se superposent, se chevauchent et provoquent l’impression d’être en devenir permanent, sorte de mouvement
perpétuel.
Marie Passarelli peint comme elle dessine et dessine comme elle peint, comme son travail sonore, ses vidéos et ses performances, tout se mélange, se mixe.
Marie Passarelli en résidence aux Ateliers de Coussay
Marie Passarelli, résidence de Coussay (86), été 2022
Jungles abstraites avec ciels en arrière-fond, les peintures de Marie Passarelli se pénètrent du regard comme on avancerait dans une forêt vierge ou encore dans des fonds sous-marins, peuplés d’algues flottantes. Nous sommes en milieu aqueux, torride, l’avancée procède tant du regard que de celle d’un corps sous-marin, en milieu luxuriant ; la nature y est enchevêtrée, une inquiétante étrangeté règne dans ce monde humide et silencieux. Une rencontre animale n’est jamais à exclure, mais cela ne vient pas : paysage dense, étouffant, flottant et merveilleux en même temps. Claustrophobes de tous les pays, vous allez être attirés, malgré vous, par les jungles aquatiques de Marie Passarelli. Votre peur sera de vous y emmêler irrémédiablement mais vous aurez la bonne surprise d’un monde tactile, doux, caressant, un tantinet oppressant ; la limite est difficile à définir…c’est ce qui fait, en grande partie, toute la séduction de ces pièges visuels caressants : l’algue est un doux cheveux qui s’enroule autour de vous sans qu’on y prenne garde…Le monde féerique de Marie Passarelli n’est pas sans déclencher quelque angoisse claustrophobe, pris au fond de l’eau dans l’enchevêtrement des lianes. Certaines peintures proposent comme des veines d’eau douce, circulant au sein de roches improbables, peuplées de petites masses végétales de plus en plus denses. Nous touchons aux possibles anamorphoses et aux apparitions de figures, produites de nos inconscients de regardeurs. Les multiples possibilités de lecture dans les détails formels nous confrontent aux métamorphoses potentielles de la figure ouverte à toute interprétation, la présence des monstres comme celle des beautés attachantes. A ce titre, la vérité de toute Beauté, nous rappelle Marie Passarelli, se situe dans un jeu perpétuel de lutte d’opposés, inquiétude et délectation.
Patrick Lhot, été 2022

